Quoi en penser ? Cette petite scène familiale se révèle d’une extrême lisibilité et compréhension. L’aïeule trône au centre parce qu’elle atteint cet âge qui accorde aux femmes, après les avoir dépouillé de leur grâce la plus évidente, une autorité, une présence majestueuse et imposante, un pouvoir incontesté, tout particulièrement sur ses fils et sur ses brus.
La jeune femme debout témoigne à la fois d’une déférence à l’égard de la vieille dame et d’un souci maternel envers l’enfant : elle se tient prête à intervenir, à reprendre le petit dans ses bras s’il s’avérait trop remuant ou si sa grand-mère manifestait quelque lassitude à le tenir sur ses genoux.
Ce thème des différents âges de la femme, articulé autour d’une stricte répartition des rôles et conduite à tenir, ainsi que le respect dû aux générations précédentes, est richement illustré par des peintres de tous horizons et familles artistiques.
D’autre part, ce grand format – qui ambitionne presque de propulser cette scène familiale dans la sphère de la peinture d’histoire – rappelle la place d’honneur accordée aux femmes dans leur foyer. Traitées en souveraines, parées, installées sur les meilleurs sièges, misent en lumière, elles éclipsent systématiquement la ou les présences masculines.
Cependant, si le repli affecté par l’auteur dans son propre tableau renvoie bien à cet importance du partage spatial entre hommes et femmes, il est à noter que sa posture érigée, à la fois puissante et décontractée, peut appeler à une autre lecture, ou du moins à un autre questionnement : ce chef de famille bourgeois veut-il indiquer qu’il se situe humblement à côté du cercle féminin, ou bien, paternellement, bienveillamment, au-dessus ?