André BROUILLET --- « L'amour aux champs »

Analyse iconographique
- La médiane verticale et une diagonale placent le couple en bas à gauche du tableau.
- Le paysage est organisé en trois zones horizontales : ciel/blé/chaumes.
- Dans un paysage, dont la monotonie est rompue par le plan incliné du champ, le regard est centré sur la petite scène rustique du couple de travailleurs.
- Le couple s’organise en un enchaînement de directions qui aboutissent au baiser. Leur gestualité se structure par des lignes biaises, qui s’entrecroisent pour un effet visuel un peu saccadé, à l’enseigne d’une certaine théâtralité, évidente surtout chez l’homme : l’appui qu’il doit prendre sur ses jambes écartées, la faux tenue bien à distance des corps disent assez que son geste n’est pas un acte réfléchi et médité, mais bien plutôt une brusque impulsion qui exige de lui le rétablissement de son équilibre compromis.
- La femme est dominée par l’homme, il est dans une position tendue, symbolisant le désir, dans un geste impulsif qui surprend la jeune femme en train de travailler, son chapeau en est tombé au sol. L’outil, la faux, paraît symboliser elle aussi le désir de l’homme. La bonhomie souriante de la jeune femme semble apprécier, ou du moins cautionner la légitimité de l’hommage masculin et en partage la complicité avec le spectateur.
- Les vêtements sont très simples, ils caractérisent le monde paysan. Au loin, on distingue à peine d’autres hommes au travail.
Quoi en penser ? Tout indique que la bonne entente, la simplicité qui règnent entre les protagonistes sont redevables d’un mode de vie sain, laborieux, dépourvu d’affectation, que l’artiste identifie avec la vie campagnarde, à l’instar sans doute de sa clientèle bourgeoise. La nature et l’attitude des personnages sont présentées dans une vision embellie, volontairement en décalage avec l’authentique monde champêtre.
Pourtant on sait que la ségrégation des sexes en milieu rural favorisait mal ce type d’idylle, assez peu compatible, de surcroît, avec la pénible réalité d’une journée de moissons.
Mais André Brouillet dépeint un monde rural édulcoré, à l’usage d’une élite prisant les sujets paysans pittoresques, mais « expurgés » de tout excès grossièrement réaliste.